Merlin/Hospitalisation

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Préambule

Cela fait 4 mois aujourd’hui que Merlin a été hospitalisé. L’intervention a eu lieu la veille de son premier anniversaire. C’est le temps qu’il nous aura fallu pour digérer cet événement. Nous souhaiterions avant toute chose préciser que l’intervention chirurgicale s’est parfaitement bien déroulée, et que ses objectifs ont absolument été atteints. Pourtant nous garderons en mémoire cette expérience comme étant l’une des plus désagréables de notre vie. Et ce n’est qu’aujourd’hui que nous nous sentons capables de témoigner de notre expérience et de ces nombreuses interrogations qu’elle a suscitées…

Sur la prise en charge de la douleur…

S’agissant de l’intervention à proprement parler, nous avions eu le sentiment d’être bien informés et préparés par notre chirurgien, qui s’est toujours montré disponible pour répondre à nos questions. Par ailleurs, lors d’un entretien préalable, un anesthésiste nous avait tenu un discours rassurant et persuasif, sur le fait :

« qu’il ne fallait pas nous inquiéter… qu’aujourd’hui la médecine avait fait d’énormes progrès concernant la prise en charge de la douleur chez les enfants… qu’on ne laissait plus un bébé souffrir… qu’on avait les moyens de repérer ce qui était de l’ordre d’une douleur intense : prostration, hurlements… qu’on avait une série de protocoles à disposition pour pouvoir y répondre en fonction de la situation… ».

Or, la veille de l’intervention, quelques heures après l’admission, une équipe d’infirmières vient procéder à des prélèvements de sang. On met à Merlin une pommade anesthésiante uniquement sur les mains. Sauf qu’elles lui ont piqué tour à tour sur les deux mains sans parvenir à trouver les veines, avant de piquer dans le renfoncement des deux coudes sans y arriver davantage, pour enfin l’emmener au bloc pour le piquer encore.

Première leçon : n’hésitez pas à insister pour que de façon préventive, la pommade anesthésiante soit appliquée partout, et exigez d’être présents si vous pouvez le supporter !

Puis le lendemain – jour de son opération – quelques heures après sa sortie du bloc, il s’est mis à hurler sans interruption pendant 4 heures 30. Alors qu’en théorie il aurait dû s’abstenir au maximum de bouger pendant les heures suivant l’intervention, il était agité par des soubresauts, et se redressait fréquemment avec violence, nous tendant les bras hurlant sa douleur. A plusieurs reprises, nous avons interpellé les infirmières, qui ne sont que trop rapidement passées, nous répétant à chaque fois :

« que cette douleur était normale et banale après une opération comme celle-là… qu’il avait tout ce qu’il fallait en matière de médicaments, et que si les perfusions ne fonctionnaient pas, les machines auraient sonné… qu’elles ne pouvaient rien lui donner de plus, et que nous n’avions qu’à attendre que ça finisse par passer ».

L’une d’entre elles a même eu l’audace de nous expliquer qu’il ne servait à rien de nous serrer contre lui en lui murmurant des paroles apaisantes, que ça ne changerait rien… Même s’il a été évoqué la possibilité de faire appel à un médecin pour une prescription, elles n’ont pas daigné demander un avis à la surveillante, à un anesthésiste ou un interne de garde.

Face à une telle constance dans le discours et l’attitude de l’équipe censée connaître son métier, notre plus grand regret réside dans le fait que nous avons fini par nous laisser convaincre que nous ne pouvions rien faire de plus.

Or, quelques heures plus tard, au moment du changement d’équipe, une nouvelle infirmière s’est alors aperçue que l’une des perfusions censée diffuser un anti-douleur ne fonctionnait pas (il avait en fait deux produit anti-douleur, l’un délivré par le biais d’une seringue sur une machine, et l’autre accroché en hauteur qui devait fonctionner en goutte à goutte). Dès que l’infirmière a rétabli les choses, Merlin s’est progressivement calmé.

Entre un enfant qui gémit et un enfant qui hurle et se tord pendant 4 heures 30 durant, il y a il me semble une différence évidente. Que certaines infirmières, ne s’en rendent pas compte, malgré plusieurs interpellations, et soient à ce point insensibles à la douleur dans un service d’hospitalisation pour enfants est inadmissible. Et ce d’autant lorsque cette insensibilité conduit à une faute professionnelle : la non vérification du fonctionnement du matériel.

Deuxième leçon : il est votre enfant, vous êtes ses parents, vous le connaissez mieux que le personnel soignant. Au cours de votre pourtant brève expérience de vie commune, vous avez déjà appris à distinguer et différencier la qualité et la nature de ses pleurs. De plus, si vous avez pu vous rendre disponibles, vous avez cet avantage sur l’équipe soignante qui n’effectue que des passages ponctuels, d’être auprès de lui sur de longues durées dans ces moments si délicats. Si les infirmières restent sourdes à vos observations, exigez la venue d’un médecin. Enfin, bien évidemment, toutes les ressources que vous avez en vous et que vous pouvez déployer pour réconforter votre enfant, ne seront jamais inutiles.

Sur l’écoute et l’accompagnement…

Lors de la troisième nuit, les grands-parents se sont vus refuser par une infirmière de passer la nuit auprès de Merlin. « C’est une personne et pas deux, et c’est le père ou la mère », nous a-t-elle dit. Nous lui avons expliqué que ceux-ci s’étaient proposés de nous relayer, nous parents qui épuisés par les nuits précédentes, avions cette chance d’avoir la possibilité de nous reposer. Nous avons ajouté qu’il était entendu qu’ils ne dérangeraient en rien le fonctionnement du service et qu’ils se relayeraient dans la chambre du bébé pour ne pas l’incommoder. « C’est le règlement, je n’y suis pour rien », nous a-t-elle précisé sourde à nos arguments, avant de nous annoncer qu’elle allait chercher la surveillante. Laquelle surveillante s’est fort heureusement montrée capable de négocier avec nous, et a accepté notre demande. Car au-delà d’une question de textes, il y a là un contexte singulier où il s’agit bien d’un enfant souffrant et de parents éprouvés. Nous avons trouvé choquant qu’une personne travaillant dans le soin, soit insensible à la douleur d’un enfant pendant plusieurs heures, mais se précipite à la recherche de la surveillante lorsqu’il s’agit de négocier le règlement.

La nuit suivante, une infirmière est venue nous signifier son désaccord parce que nous avions choisi de le coucher dans une poussette inclinée, constatant qu’il s’y trouvait plus à l’aise pour dormir que dans le lit à barreaux où il se réveillait fréquemment. Lui qui parvenait enfin à trouver un peu de repos après deux jours difficiles. Désapprouvant ce choix, l’infirmière est venue à plusieurs reprises nous répéter de bien l’attacher… !!! … Non seulement nous sommes des adultes, et non pas des gamins inconscients, mais de plus nous sommes ses parents ! Comme si nous allions prendre un quelconque risque concernant sa sécurité, alors que nous sommes à ses côtés, le voyant souffrir nuit et jour depuis deux jours !

Troisième leçon : rassurez-vous, vos compétences parentales, vos capacités de raisonnement et de logique, ne sont pas tout d’un coup devenues insensées ni obsolètes. Vos sensations, vos convictions, vos hypothèses, vos émotions, ne sont pas tenues de disparaître devant l’autorité médicale. Vous avez encore les forces nécessaires pour résister si l’on tente de vous infantiliser et de vous discréditer. Les négociations sont toujours possibles, et encore une fois n’hésitez pas à réclamer la présence d’un supérieur hiérarchique.

En conclusion

Nous sommes loin des belles paroles contenues dans la charte du patient hospitalisé distribuée à chaque nouvelle admission.

Pourquoi alors que sur le plan chirurgical tout a bien fonctionné avons-nous dû vivre cette hospitalisation comme l’une des expériences les plus éprouvantes de toute notre vie ? Nous en avons été profondément déçus, heurtés, indignés, blessés…

Trop de langues nous ont déjà souligné et nous diront encore, de quoi vous plaignez-vous puisqu’il n’y a pas eu de problème au niveau chirurgical… C’est à cause de ce type de réflexions que trop de patients et de leurs proches taisent la violence qu’ils ont éprouvé de l’intérieur lors de leur traversée du système hospitalier.

Ce n’est pas tant dans un mouvement d’accusation que nous souhaitons témoigner, que dans un mouvement de prévention, d’information. Notre envie est de signifier aux parents qui auront à accompagner leur enfant dans le futur, dans le cadre d’une opération, qu’elle concerne les pieds ou toute autre partie du corps, qu’il leur faudra savoir résister à un certain nombre de choses. Malheureusement, à moins d’avoir déjà auparavant dû accompagner un proche dans sa maladie, à l’hôpital, aucun d’entre nous ne peut être préparé à cela. Et la réalité de la prise en charge post-opératoire au quotidien n’étant pas forcément du domaine d’action immédiat ni des chirurgiens, ni des kinés, même les plus compétents, ce sujet n’est pas toujours abordé.

La réalité est que dès que vous pénétrez dans l’enceinte d’un hôpital, vous n’êtes plus ni garants ni référents concernant ce qui s’y passe et les décisions à prendre. Même si vous êtes toujours les responsables légaux, les seules autorités reconnues sont celles des médecins, des cadres, et du règlement intérieur. Elles priment sur la vôtre.

Nous ne blâmons pas les infirmières, nous voulons seulement les interroger. Nous avons été accueillis dans un hôpital pour enfants, l’un des plus réputés, l’un des plus modernes. Les moyens matériels et humains ont beau être insuffisants, nous sommes tous capables de reconnaître et de regretter la surcharge de travail et la fatigue qui leur incombe. Cela n’explique toutefois pas pourquoi le vécu d’une hospitalisation peut être à ce point violent.

Nous souhaiterions ouvrir un réel débat sur la remise en question des pratiques dans le domaine des soins. Car enfin, pourquoi lorsque nous entrons dans un hôpital, avons-nous la sensation extrêmement désagréable et brutale de disparaître en tant qu’humains, pour n’être vus que comme des corps biologiques, des pathologies pour ce qui concerne les malades, et comme des gêneurs pour les proches ? Pourquoi tout à coup devons-nous être considérés comme des individus isolés dépourvus de toutes forces ? Pourquoi devons-nous fatalement en sortir déstructurés et meurtris ?

Nous rêvons pour tous les malades et leurs proches, d’hôpitaux où le personnel soignant accorderait à la dimension humaine et relationnelle au moins autant d’importance qu’à la dimension technique et sécuritaire, ce qui à notre avis pourrait éviter beaucoup d’erreurs et de souffrances inutiles. Les difficultés dans les services hospitaliers ne devraient pas nuire à la qualité des relations entre soignants et soignés.

Post scriptum

Merlin se porte aujourd’hui merveilleusement bien. Il fait ses premiers pas, il est vif, curieux, revendicatif et persévérant. Mais il sait également être négociateur et conciliant. Il a éprouvé beaucoup de douleur, mais il a aussi été témoin de notre colère, comme de son apaisement. Il me semble fondamental qu’il ait vu que nous soyons toujours restés à ses côtés et que nous nous soyons révoltés. Nous avons enfin beaucoup parlé, beaucoup questionné. Si nous faisons ce témoignage, c’est avant tout pour lui. Pour rendre hommage à son courage, depuis le début, il nous semblait que l’un des présents que nous pouvions lui faire, c’était de diffuser le plus largement possible notre expérience. Afin de transmettre du courage à d’autres, ainsi que la force de résister.

Il a été plâtré pendant six semaines après l’intervention. Puis nous sommes retournés à l’hôpital pour l’extraction des dernières broches et la confection d’attelles correctives souples qu’il porte depuis chaque nuit. L’évolution est tout à fait encourageante. Les séances de rééducation ont repris, toujours pour l’instant à un rythme de 5 séances d’une heure chaque semaine, avec la perspective de pouvoir diminuer progressivement le nombre de séances au moment de l’acquisition définitive de la marche. Nous avons tous veillé parents et kinés à lui laisser le temps de pouvoir se réapproprier l’usage et les sensations de ses pieds. Les premiers temps après le déplâtrage, nous y avons consacré un peu plus d’attention : surplus de bisous, massages légers (de plaisir et non de travail), sollicitations, nous lui faisions comprendre qu’ils étaient de nouveau là, et bien à lui, et qu’il pouvait recommencer à les toucher, les remuer, les utiliser, à en jouer.

La petite anecdote tendresse, est qu’il semble éprouver une véritable passion pour les chaussures. Nous avons pu lui acheter ses premières chaussures, tout ce qu’il y a de plus normal, et dans le magasin, ce fut un véritable pur trip. Il les adore et joue sans cesse avec que ce soit les siennes ou celles d’autrui. Il chausse, déchausse, rechausse. Il vient vous voler vos chaussures sur vos pieds : chaussons, tongs, chaussures plates, à talon, bottes, tout lui plaît. Il s’en met sur les pieds et sur les mains et s’en va à quatre pattes. Quant aux meubles à chaussures, ils sont devenus de véritables terrains de jeux et chantiers de bataille.

Merci à tous nos proches qui nous soutiennent depuis le début et au quotidien.

Merci à Christine, Edwige, Georgine, Yves.

Merci aux réalisateurs de ce site.

Dernière modification : 13 mars 2003
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