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Interview réalisé en février 2002 auprès de la maman de Mattieu G. (dépt 83) Mattieu
est né le 5 juin 2001 avec un PBVE à gauche. En fait, le diagnostic fait à
la naissance était « Malposition du pied gauche » mais
3 jours après le pédiatre de la maternité nous a indiqué : pied bot
varus équin bilatéral - pied gauche plus important que pied droit, (alors qu’en
réalité, il est unilatéral), ainsi qu'un pli palmaire transverse
bilatéral. Je suis la maman de 3 enfants. Je n’ai absolument eu aucun problème pour mes 2 premiers (âgés de 10 et 6 ans), mais pour le troisième, c’est une autre histoire. J’ai eu une grossesse très difficile, j’ai été arrêtée lors de mon 4ème mois de grossesse, j’avais un risque de faire une éclampsie et j’ai donc été hospitalisée plusieurs fois et je devais rester alitée quasiment 24 h/24. De là, s’est greffé le
problème du diabète, on m’a provoqué l’accouchement 1 mois à l’avance.
On m’a posé Mattieu sur le ventre, très beau bébé, 50 cm et 3,730 kilos.
Là, le bonheur d’être à nouveau maman. Puis, on me prend l’enfant pour
le nettoyer et on me le ramène dans une couveuse. Et là, je le regarde, la
tête, le corps, les bras, les mains, le ventre, les jambes et ….les
pieds, tiens, bizarre, un pied « normal » et l’autre avec une
drôle de forme. Je regarde à nouveau, un pied
légèrement sur l’intérieur et l’autre complètement sur l’intérieur
et retourné vers le haut. Je regarde mon mari, je regarde le personnel
présent dans la salle d’accouchement, personne ne me dit rien. Pourtant, c’est
flagrant, réellement flagrant. Au bout d’un moment, ne tenant plus, je
demande à mon mari : « Tu as vu son pied ? » et il me
répond : « Ce n’est rien, c’est une mauvaise position qu’il
avait dans le ventre, et ça reviendra ». Mais, cette réponse ne me
satisfait pas. On me ramène dans la chambre, et
Mattieu est gardé en nurserie. Ma mère est là avec mes deux enfants, ils
ont vu « leur bébé ». Puis ma sœur arrive, et je lui dis :
« Tu as vu son pied » ? Oui, elle a vu aussi, mais elle pense
que ce n’est pas grave. Mais, personne ne me dit rien côté personnel
médical et on me ramène mon petit tout habillé, dans un petit berceau, tout
mignon. Mais, là, je le découvre vraiment et je regarde son pied, et celui
là n’entre pas en place dans le pyjama, ce n’est pas normal. Mon mari m’explique
alors que lui n’avait rien vu à la naissance, mais que lorsqu’on a pris
Mattieu pour le laver, on lui a dit : son pied est tordu (ce qu’il
découvre) mais ce n’est rien, c’est une
mauvaise position…… Bref, je suis dans le doute, et
je vois bien que tout le personnel médical (sages-femmes, infirmières m’évite.
Même mon gynécologue ne vient pas me voir (alors qu’il était venu à
chacun de mes accouchements et il ne viendra d’ailleurs pas de la semaine).
Puis, on m’annonce que je vais voir un orthopédiste. 2 jours se passent, et
je pleure, personne ne me dit ce que mon bébé a et son pied reste toujours
« tordu ». Puis, un jour, une femme entre
dans la chambre, je suis avec mon mari (heureusement) et elle nous dit :
« Bonjour, je suis Madame X, assistante sociale auprès de la D.I.S.S.
Je vois que votre fils a un pied bot varus équin. Vous êtes au
courant ? » Je réponds oui, mais je n’ai pas compris ce qu’elle
a dit, j’ai compris juste la fin, « équin », mais je comprends
qu’elle parle de son pied. Elle continue : « C’est très grave,
vous savez. Il va falloir avoir un suivi médical très long. Il faudra le
faire suivre, ne pas le laisser comme ça…… ». Là, pour mon mari et
moi, tout s’écroule. On ne comprend pas ce qu’elle nous raconte. Puis
elle continue son charabia, et là, je me sens agressée, comme si j’étais
une mauvaise mère, alors je lui dis que j’ai déjà 2 enfants et que je n’ai
pas besoin de ses conseils pour éduquer et élever mes enfants, mon mari
aussi lui parle assez sèchement. Je n’ai pas compris ce que nous voulait
cette femme. Le lendemain, nous attendons avec
impatience la visite du pédiatre de la maternité. Il arrive, ausculte
Mattieu, le tient par les mains, le met debout. Puis, verdict :
« voilà, votre fils à deux pieds bots varus équin ». Quoi ? un
Pied Bot, ces hommes horribles avec de grosses chaussures noires, boitant,
bossu et souvent étant « tordu » de partout. Emotion trop forte,
crise d’angoisse et de pleurs. Mon mari quant à lui, manque de tomber dans
les pommes. Heureusement qu’il est assis, sinon je crois qu’on l’aurait
ramassé au sol. Et là, on nous dit ce qu’il en est (sommairement, mais ça
nous donne une idée), que ce sera très long, mais que ce n’est pas si
grave. Qu’il y a de très bons kinés dans notre ville, mais que vendredi,
je dois voir un « spécialiste ». Un chirurgien pédiatrique
orthopédiste, qui travaille dans un Hôpital pour enfants (à 90 kms de chez
moi). Là, nous disons notre désarroi
au pédiatre par rapport à l’assistante sociale, le fait que ce soit elle
qui nous ait dit ce qu’avait Mattieu et le fait qu’elle passe dans les
chambres sans que nous ne soyons informés de sa visite. Mais bon, je vois
bien que cela n’intéresse pas grand monde. Plus tard, ça frappe encore à
la porte. Une jeune femme entre : « Bonjour, je suis Mme X,
psychologue ». Une psychologue ? Qu’est ce que c’est que cette
histoire. J’ai de plus en plus l’impression d’être dans un rêve, un
mauvais rêve qui dure depuis 4 jours, mais qui ne veut pas s’arrêter. Elle
nous demande si nous voulons lui dire quelque chose car le pédiatre a eu l’impression
que nous avions un peu mal réagi lorsque nous avons appris que notre enfant
avait un pied bot !!!! Mal réagi ? Ce n’est pas normal ? Mais qui est normal là-dedans ?
Nous ou eux. C’est incroyable tout de même. On attend maintenant avec une
très grande impatience de voir ce fameux « spécialiste », mais
lui saura nous dire exactement ce qu’il en est. Je continue donc à m’occuper
de mon bébé, qui est si beau et qui commence déjà à esquisser des
sourires. Mais dès que je vais à la nurserie pour le laver ou le changer,
toutes les mamans me regardent en coin, mais également les puéricultrices.
Je commence à avoir du mal à supporter ces regards. Aucun soutien, de la
part de personne, j’ai peur que mon bébé ne puisse pas marcher
normalement, qu’il boite, qu’il ne puisse faire du vélo, etc.… Mes
parents me rassurent, mais ils ne savent pas vraiment, nous n’avons jamais
eu le cas dans notre famille. Tout le monde s’inquiète. Moi, je prends le
parti de ne pas dire à tout le monde qu’il a un pied bot, j’ai honte. Je dis donc à mes beaux-parents
qu’il a un petit problème à un pied ainsi qu’à nos amis et collègues
de travail. Je n’entre pas dans les détails. J’ai mal et j’ai peur, j’angoisse.
J’essaye d’être forte quand il y a du monde, car je ne veux pas
inquiéter, mes enfants, mon mari, mes parents, mais seule, c’est dur. On m’envoie, le lendemain, une
kiné. Elle me demande si j’ai des cas dans la famille. Je lui réponds que
non. Elle me demande si j’ai des origines bretonnes ou Normande et bien oui,
ma mère est normande. Ca y est, je sais à qui la faute incombe. Ma mère, c’est
de sa faute. La kiné vient faire un massage à Mattieu. Elle a une brosse à
dent (je ne comprends pas pourquoi), puis je la vois frotter la brosse sur l’extérieur
du pied de Mattieu. Puis elle lui met comme un pansement sur son pied
(pansement qui ne tiendra d’ailleurs pas et que j’ai enlevé car il ne
tenait plus, dès le soir même). Plus tard, mes parents arrivent, et là, je
déballe mon sac, très très injustement, j’accuse ma mère, ses origines.
Maintenant, je regrette, sincèrement. Mais il me fallait un responsable. Enfin, le grand jour, je dois
voir le chirurgien. Je rencontre un homme très grand, un peu froid, mais qui
prend tout de suite Mattieu en main. Il l’attrape, regarde ses pieds, le met
sur le dos, appuis sur son dos, etc.… De là, enfin, des explications
claires et précises. Mattieu n’a qu’un pied bot, l’autre est
« normal ». Il faut
que j’aille à l’Hôpital où il travaille dès le lundi (nous sommes
vendredi) pour qu’il puisse appareiller Mattieu. Il me décrit l’appareillage.
Il m’explique donc que si le suivi est rigoureux, tout rentrera dans l’ordre ;
qu’avant l’âge de la marche, vers 8/9 mois on refera les radios du pied
pour voir s’il y a besoin d’une intervention chirurgicale. Mais pour l’instant,
venez lundi, on fera les radios du pied et on verra à ce moment là. Je
remonte dans ma chambre, un peu soulagée, mais je m’inquiète concernant l’appareillage
qu’il veut lui mettre car il m’a dit que ses pieds seraient liés l’un
à l’autre par une barre en fer ?! Bizarre. Le lendemain, la kiné revient,
elle refait un bandage à Mattieu, mais avec du « scotch » plus
épais car je lui ai dis que la veille ça n’avait pas tenu. (Voir les
photos du bandage !). Dès qu’elle a fini, je peux enfin sortir. Mon
mari arrive avec mes 2 autres enfants. Dans la voiture, j’explique à mes
enfants que leur petit frère a un petit problème à son pied, qu’il est
légèrement tordu, et que nous devrons le faire soigner, mais que ça ne lui
fera pas mal. Ils comprennent bien la situation, j’ai des enfants
formidables, heureusement. Sur le
trajet, nous nous arrêtons pour acheter des couches, Mattieu est en body, il
fait très chaud. Je le pose à terre. Là, une femme s’approche et
dit : « Oh qu’il est petit, qu’il est beau. Oh le pauvre, son
pied, qu’est ce qu’il a ? Pourquoi il a un bandage ? » Je
ne lui réponds pas et je la fusille du regard. Jamais il ne m’est arrivé d’accoster
quelqu’un que je ne connais pas et de lui demander ce qu’il a. C’est un
manque de politesse et d’éducation incroyable. Et là, ça recommence, je
sens à nouveau tous les regards qui se tournent sur Mattieu et sur moi. C’est
atroce. Lundi, nous partons donc, pour l’hôpital
pour enfant. Nous arrivons, une heure ½ après. Nous sommes vite pris en
charge par une secrétaire formidable mais qui dit trop légèrement le terme
pied bot et surtout trop fort à mon goût. Je ne veux pas que l’on sache
que mon si joli bébé a un pied bot… Là, tout va très vite, on va faire
les radios, mais quand on lui enlève le bandage, le pansement est collé à
la peau et donc en tirant dessus, il se met à saigner et on me dit que ce
bandage n’aurait pas du être fait et surtout pas laissé pendant 2 jours,
puis la visite avec le chirurgien que j’avais vu à la maternité. Il nous dit que le pied de
Mattieu n’est pas sévère, et que l’on arrivera à un beau résultat,
mais il faut que je suive les séances de kiné ici et non pas dans ma ville,
car c’est un traitement particulier et tous les kinés ne savent pas
forcément le pratiquer. D’autant que Mattieu va être appareillé et qu’il
faut quelqu’un de spécialisé dans les attèles de Denis Browne. Puis, le
kiné arrive, il a un drôle d’appareil avec lui. Il attrape le pied
« normal » de Mattieu, lui met comme une petite chaussette ouverte
au bout et commence à lui coller des bandelettes sur une plaquette en fer. Il
fait pareil avec le pied bot puis fixe une barre en fer entre les deux. Et
voilà mon beau Mattieu emprisonné. Comment je vais le laver ? Comment
je vais l’habiller ? Comment faire…. Il est attaché ! Et
voilà, le début du long, très long traitement qui commence. Mais nous nous arrangeons pour tous
les petits inconvénients du départ qui nous semblaient insurmontable. Rien
que de voir l’évolution de la forme de son pied, nous sommes rassurés. Maintenant Mattieu a 11 mois,
cela fait donc 11 mois que je fais 180 Kms pour les séances de kiné. Mais
tout s’est allégé, on a enlevé les attèles Denis Browne pour les 6 mois
de Mattieu, on est passé à des attèles chaussures et je ne vais plus que 3
fois par semaine à l’hôpital. Comme vous avez pu le lire, je
suis passée par des moments difficiles, surtout au départ. Beaucoup de
culpabilité, de questions. Et le regard des gens, très lourd à supporter,
puis je m’y suis habituée et j’ai même « joué » de cela.
Quand les gens avaient des questions un peu idiotes, je leur répondais sur le
ton de la plaisanterie. Puis encore quelques inquiétudes. J’attends avec
impatience de voir Mattieu marcher pour être sure de la réussite totale du
traitement. Quelles ont été les grandes étapes dans le travail
des kinés et leurs durées ? : Mattieu a été
diagnostiqué comme pied bot léger. Au départ, nous allions 5 jours par
semaine aux séances de kiné, pendant 2 mois. Puis nous sommes passés à 4
fois pendant 4 mois. Pour ses 6 mois, changement d’attèles, nous passons
aux attèles chaussures (qui nous ont d’ailleurs coûté 1.080 francs et
dont nous avons été remboursés 300 francs !) et à 3 séances par
semaine. Puis, la dernière visite avec le
chirurgien, (le 13.02.2002) : toujours les attèles chaussures, mais la
nuit, le jour, il doit porter une chaussure spéciale. Et je continue à faire
2 séances à l’hôpital et la 3ème sera faite ici, dans ma
ville. Je dois appeler le kiné, dont on m’a donné le nom pour prendre
rendez-vous. J’angoisse un peu car je ne sais pas s’il sera compétent. Votre enfant est-il pris en charge à 100 % par la
Sécurité Sociale ? OUI (heureusement car je vais
faire les séances de kiné à 90 Kms de mon domicile et j’y vais en taxi,
donc pas de frais, tout est pris en compte). Et la contrainte principale est
les déplacements. Pendant 9 mois, faire 180 kms par trajets (allers/retours),
cela nous prend la demi-journée complète. Ce n’est pas évident pour mes
autres enfants et pour Mattieu lui-même (les repas n’étant pas évident à
gérer). Actuellement, Mattieu est heureux
d’aller au kiné, il connaît le service, est heureux de voir du monde, il
sourit. Je pense que la voiture le fatigue, on ne s’aperçoit pas si quelque
chose le dérange dans les séances. Le message que je souhaiterais
faire passer est le suivant : dès que l’on a trouvé les gens
compétents, nous sommes de suite rassurés. Je vois d’autres enfants
traités (actuellement il y en a une dizaine), des plus petits, des plus
grands, et on voit que tous, opérés ou non, marchent normalement et sont
tous de très gentils enfants. Par contre, je trouve inadmissible qu’actuellement
les hôpitaux ne soient pas au courant du problème des pieds-bots et laisse
les parents dans l’inquiétude. Je ne comprends pas non plus que l’on ne
puisse pas forcément voir ça lors des échographies. Vous pouvez nous envoyer des
messages à l’Adresse suivante : B.GARBERI_chez_WANADOO.FR |
Dernière modification : 13 février 2005
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